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Dernier article de notre série sur les Coteaux du Vendômois*, mais pas des moindres si l’on considère la typicité et le rapport Q/P des vins, la Cave Jumert. Dirigée aujourd’hui par Florent Jumert (le fils de Charles), l’exploitation, d'où sortent des vins tranquilles mais aussi des effervescents, est un autre parangon d’authenticité de cette belle appellation locale avec, notamment, son cépage le pineau d’Aunis et ses vins gris, également connus sous les dénominations « gris poivré » ou « œil de gardon ». La vinification au domaine exclut notamment l’usage du bois pour ne révéler que les arômes et les saveurs du raisin et les attributs du terroir.

Photo de Une © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Florent Jumert. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Florent Jumert, la huitième génération, a passé un BEP et Bac Pro en vigne et vins, en alternance, à Chalonnes-sur-Loire, près d’Angers, dans le pays du Layon, en Maine-et-Loire. Il commence ensuite un BTS de Commerce international qu’il abandonne pour rejoindre, en 2009, l’exploitation familiale et s’installer en reprenant les rênes du domaine 6 ans plus tard.. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Le vignoble est situé à 7 km de Vendôme, sur 12 ,5 hectares, autour de Villiers-sur-Loir. Le domaine produit les trois couleurs (gris, rouge et blanc). Les vignes se composent majoritairement de cépages pineau d’Aunis mais également, en AOC rouge, de cabernet franc et de pinot noir, puis de gamay et gamay de bouze (cépage teinturier). Hors AOC on trouve quelques pieds de cot (malbec). Enfin, la gamme comprend des blancs AOC à base de chenin et de chardonnay.

Des pieds de vigne de plus de 100 ans

La création du vignoble, et de sa cave creusée dans la roche, remonte à l’an 1800. Florent représente la huitième génération de vignerons de la famille Jumert. Charles Jumert père avait lui repris l’exploitation en 1984. Lors de son installation, Florent a récupéré les vignes d’un voisin qui partait en retraite, principalement des pineau d’Aunis vieux de plus de 100 ans, qu’il sauvera ainsi de l’arrachage. Un choix judicieux car ces pieds sont toujours en production et donnent une excellente qualité de raisin. Soulignons que, hors période de vendanges, il exploite seul le vignoble avec toutefois l’aide de sa mère retraitée qui, outre les tâches administratives, intervient également dans les vignes. La cave Jumert est adhérente depuis 15 ans au syndicat des Vignerons indépendants de France.

Parcelle de vignes de pineau d'Aunis de la Cave Jumert. Photo © DR
Parcelle de vignes de pineau d'Aunis de la Cave Jumert. « Au domaine, on a la chance de posséder de très vieilles vignes. Les plus vieux pieds ont plus de 120 ans. Ce sont souvent ces vignes qui donnent des raisins très mûrs, avec du jus même lors de la sècheresse de l’année dernière. L’inconvénient réside dans leur fragilité, ce qui nécessite de les travailler avec précaution. » ‘Florent Jumert’. Photo © DR

Conduite de la vigne en gestion raisonnée +, sans revendiquer de label…

Sans les effervescents, avec un rendement de 6 500/7 000 pieds par hectare - soit dans le haut de fourchette de l’appellation - la production atteint, dans les bonnes années, 16 000 bouteilles. La conduite de la vigne est faite à 90% en guyot mixte (double) long, avec une baguette et 2 coursons. « Nous sommes en vignes basses, étroites. La taille est plutôt rase, ce qui permet d’éviter les vendanges en vert » souligne Florent Jumert. L’exploitation ne revendique aucun label… « nous ne sommes pas en bio mais plus qu’en gestion raisonnée, explique le vigneron. Depuis 8 ans on fait du désherbage mécanique, comme en bio ».

Côté traitement …. « pour l’oïdium j’utilise du souffre poudre, qui est totalement bio. Il n’y a que pour le mildiou pour lequel je ne suis pas 100% en bouillie bordelaise*, et je trouve qu’il-y-a déjà beaucoup de cuivre dans les sols. C’est pour cela que je ne suis pas bio, mais je ne suis pas contre pour le travail du sol, au contraire. Depuis 8 ans les antigerminatifs qui ont été mis dans le vignoble ont disparu. J’ai de l’herbe dans la partie où l’on roule. Aujourd’hui, on essaye de trouver l’outil qui nous conviendra pour se battre contre l’herbe sous le cavaillon**. » Les vendanges sont mécaniques.

« Je mets le moins possible de soufre … »
Le sulfitage est fait à l’arrivée de la vendange puis à la fin de la fermentation malolactique … « je mets le moins possible de soufre, parfois 5 gr/hl, avec ensuite un ajustement uniquement sur analyse avant la mise en bouteille. Cette année, comme je sulfite un peu plus que mes voisins en tout début de vendange, je n’ai pas eu de démarrage de fermentation malolactique avant la fermentation alcoolique, alors qu’ils ont tous été embêtés avec ce problème courant en vinification. » Enfin, les vins ne touchent pas le bois.

* La bouillie bordelaise, autorisée en culture biologique, est composée d’un mélange d’eau, de sulfate de cuivre et de chaux éteinte. Ce produit chimique attaque et bloque le développement de tous les champignons, les mauvais comme les bons.** Le cavaillon est une bande de terre au pied des rangs de ceps. Un endroit que la charrue ne peut atteindre, et qui est envahi par l’herbe.

Le cuvier de la cave Jumert, creusé dans la roche. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Le cuvier de la cave Jumert, creusé dans la roche. Les cuves, dont des petites de 10 hectolitres, qui permettent de faire du parcellaire, représentent un potentiel de 1 000 à 1 200 hectolitres, la plus grosse cuve béton peut contenir 80 hl de vin. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Composition de la gamme

« Dans le meilleur des cas », précise Florent Jumert, sont produits chaque année en AOC Vendômois un chenin pur en blanc sec, un gris 100% pineau d’Aunis, un rouge Tradition en assemblage 50% pineau d’Aunis, 25%/25% ou 35%/15% en cabernet franc/pinot noir, un rouge 100% pineau d’Aunis. Enfin, on trouve des effervescents, en méthode traditionnelle, dans toutes les couleurs : rouge, gris, blanc brut et blanc/gris sec. « Nous faisons le vin de base au domaine, que nous emmenons ensuite chez un prestataire ‘champagnisateur’ à Montlouis qui fait l’élevage en cave, sur lattes. Je demande un dégorgement, un tirage, au fur et à mesure de la vente. Les vins reposent ainsi sur lattes entre 12 mois minimum et jusqu’à 24 mois. De fait la production en effervescents varie d’une année sur l’autre entre 8 000 et 15 000 cols » précise Florent Jumert.

Un rouge et un gris 100% pineau d'Aunis

Comme pour nos précédents articles sur la Cave du Vendômois et le Domaine Colin, nous avons retenu, de notre dégustation dans l’appellation, des cuvées à base de pineau d’Aunis, son cépage rare et emblématique.

La cuvée Vieilles vignes rouge d'Aunis 2020, Charles Jumert. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Vieilles vignes d’Aunis, Charles Jumert, 2020, AOC Coteaux-du-Vendômois / Rouge

Cépage : 100% pineau d’Aunis
13,5 % Vol.
Parcelles : « La vigne à grand-père » (100 ans d’âge) et « Boulon » (120 ans) du nom du lieu-dit ; rangs exposés respectivement est-est/ouest et plein sud.
Sol : argile à silex (le calcaire n’est pas toujours présent sur les parcelles du domaine).

Le millésime 2020
« Durant le millésime 2020 on a eu de la chaleur même la nuit, mais moins qu’en 2022. On avait de belles couleurs même en pineau d’Aunis, un cépage qui n’est pas très teinté », commente Florent Jumert. 2020 est décrit comme solaire, avec un beau cycle végétatif, assez long, jusqu’à la vendange.

Une recherche de maturité optimale

Lors des vendanges, Florent est vigilant à ce que ne soient récoltés que les raisins bien mûrs… « on passe souvent dans les vignes pour goûter, surtout pour les rouges car il y a une macération ». Après la vendange l’égrappage est systématique. Puis les baies sont mises dans des cuves en béton. Pour quasiment tous les vins, et la totalité des rouges, la fermentation alcoolique est faite pendant la macération, sans levurage. « Pour le millésime 2020, un peu comme 2022, on avait des degrés assez hauts et la macération a duré 1 mois. Avec des levures indigènes lorsqu’on dépasse 14° la fin du processus est assez longue » précise-t-il.

Des remontages pour une bonne fermentation et pour la couleur

Lors de la première moitié de la macération, pour aérer, donner de l’élan à la fermentation et aller chercher des couleurs, Florent Jumert procède à un remontage d’au moins une demi-heure (ou deux d’un quart d’heure), matin et soir. Au-delà des 10° en alcool, il réduit progressivement la cadence pour ne plus faire qu’un remontage de 5 ou 10 minutes tous les 2 ou 3 jours. L’objectif des remontages est « de ne pas asphyxier, conserver de l’élan et ne pas trop refroidir, car il faut aller chercher les derniers grammes de sucre, ce qui n’est pas facile sans levurage » précise-t-il. Et d’ajouter… « dans notre vignoble, comme on a de l’herbe entre les rangs, qui fait concurrence à la vigne, les rendements sont parfois moins élevés que chez nos voisins. En revanche, on concentre plus et on monte plus haut en degrés. Et on a des structures très intéressantes. Par ailleurs, le pineau d’Aunis n’est pas très alcooleux ce qui explique également la durée des macérations. »

Notes de dégustation

Couleur : la robe est rouge cerise presque grenat, assez intense.
Au 1er nez se dégagent des arômes primaires de fruits rouges, d’épices (poivre blanc), rehaussés de discrets arômes secondaires (clous de girofle). La bouche est gourmande avec un bon équilibre acidité/sucrosité. Après un petit temps d’oxygénation les tanins se fondent et sont soyeux. Les saveurs se prolongent sur une belle et longue finale.
Garde : 8 à 10 ans
Accords mets et vin
Ce vin rouge bien structuré peut accompagner des viandes rouges ainsi que des gibiers. Il s’accordera également avec des fromages notamment à croûte fleurie qui se marient bien avec des vins rouges jeunes et assez puissants sans apport de bois (brie, camembert, coulommiers) mais aussi à pâte pressée cuites (comté, emmental …).
Tarif : 7 € TTC au domaine.
Distinction : médaille d’or au concours départemental.

Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Vieilles vignes d’Aunis, Charles Jumert, 2022, AOC Coteaux-du-Vendômois / Gris

Cépage : 100% pineau d’Aunis
13,5% Vol.
Parcelle : « Le Parichet », exposée plein sud.
Sol : argile à silex (le calcaire n’est pas toujours présent sur les parcelles du domaine).

Le millésime 2022
Très beau millésime 2022 pour la qualité, notamment en termes d’équilibre, caractérisé cependant par un rendement un peu faible en raison du manque d’eau.
Cette cuvée est issue de vignes qui ont entre 60 et 80 ans. La vendange est là aussi mécanique. Parmi les spécificités du vin gris de l’AOC Côteaux du Vendômois, il est notamment imposé dans le cahier des charges qu’il soit composé à 100% de cépage pineau d’Aunis et le rendement à respecter est fixé à 60 hl/ha (avec un rendement butoir à 66 hl/ha).

La recherche de la fraîcheur, un marqueur pour les vins gris

La récolte est faite tôt le matin pour conserver la fraîcheur, contrairement à celle des rouges qui peut se faire à 14 heures. « L’avantage du domaine est que la cave n’est pas loin des vignes. On rentre ainsi rapidement la récolte. On remplit le pressoir, parfois à moitié si on s’aperçoit que c’est un peu long », dixit Florent Jumert. Le temps gagné entre la vendange et la mise en cuve permet de conserver de la fraîcheur et d’éviter une trop forte extraction de couleur. Ajoutons que le transfert pour le remplissage des cuves est fait par gravité, et évite tout triturage, ce qui constitue une garantie de qualité.

Pressurage direct

Enfin, les vins gris de l’AOC Coteaux-du-Vendômois doivent être élaborés par la technique de pressurage direct précédant la fermentation (avec ou sans foulage préalable). Si le besoin s’en fait sentir, au domaine Jumert, les premiers jus de presse et ceux de la fin du pressoir un peu plus teintés sont séparés dans des cuves plus petites. Pour s’assurer d’avoir un jus bien clair le décantage est fait dès la première nuit suivant la récolte. La fermentation alcoolique est toujours réalisée en cuve béton à des températures comprises entre 16 et 18°, en général à température de la cave qui est bâtie dans la roche.

Notes de dégustation

Couleur : robe limpide, saumon pâle avec des reflets rosés et argentés
Le vin s’ouvre en 1er nez sur des arômes floraux puis se développent de délicates et fraîches touches primaires de citron, de fruits à pépins (pomme, poire), de coing avec des notes de poivre blanc. La bouche est équilibrée, avec une légère dominante sucrée mais sur la fraîcheur grâce à une belle acidité. L’intensité des saveurs est progressive. On a une longue finale sur des agrumes un peu confits qui remontent où on retrouve également des notes poivrées.
Garde : 8 à 10 ans

Accords mets et vin

Un vin d’apéritif, convivial, qui agrémentera un assortiment de charcuterie. A accorder également avec une salade de fruits de mer, un poisson de rivière (truite ou saumon) frit ou grillé, ou encore un rôti de porc.
Tarif : 5,50 € TTC au domaine.

Le caveau de vente de la cave Jumert à Villiers sur Loir (41). Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Le caveau de vente de la cave Jumert à Villiers sur Loir (41). Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Informations pratiques

Cave Jumert
4 Rue de La Berthelotière
41100 Villiers sur Loir
Tél.: 02 54 72 94 09 et 06 07 77 71 80
Courriel : francoisejumert@live.fr

Où trouver les vins :


Plus de 80 % des ventes sont faites au caveau. La famille Jumert participe également à des salons* (autour de 15% des ventes) et se déplace pour vendre ses vins dans des Foires, notamment dans le nord de la France (Bretagne, Manche etc.), mais aussi en Allemagne. 5% des vins sont directement commercialisés à l’étranger. Des livraisons auprès de particuliers sont aussi organisées pour des commandes groupées, en départ cave. Aucun intermédiaire commercial n’est sollicité.
*Dourdan (91-Essonne), Barbizon (77-Seine-et-Marne), Longuyon (54-Meurthe-et-Moselle) ou encore en Bretagne près de Rennes (35-Ille-et-Vilaine).

LOCALISATION

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