Les Gevrey-Chambertin (pinot noir) 2017 et Meursault (chardonnay) 2018 de Philippe Pacalet, vigneron à Beaune. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
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Artisan du vin, révélateur de terroirs, savant mélange d’érudition scientifique, de culture bourguignonne de tradition et de modernité, Philippe Pacalet est une personnalité et une figure de la Bourgogne nouvelle. Neveu de Marcel Lapierre (qui compta parmi les pionniers du vin nature dans le Rhône), il est de ces vignerons qui savent imprimer les « caractères » des terroirs dans les vins, comme un photographe d’art sait figer les instants de vie sur une pellicule photosensible. Démonstration avec les Meursault 2018 et Gevrey-Chambertin 2017 du domaine, sis à Beaune.

Photo de Une : les cuvées Gevrey-Chambertin (pinot noir) 2017 et Meursault (chardonnay) 2018 de Philippe Pacalet, vigneron à Beaune © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Philippe Pacalet sur une parcelle de Corton Bressandes, vignes en pleine propriété. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Philippe Pacalet sur une parcelle de Corton Bressandes, vignes en pleine propriété. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Un artisan vigneron, figure du Beaujolais contemporain

Essayer de comprendre un vin, c’est d’abord tenter de connaître le vigneron qui le produit. Philippe Pacalet, qui grandit dans le Beaujolais, scientifique et œnologue de formation, dont un des ancêtres fut vigneron en 1780, a découvert à 12 ans avec son oncle Marcel Lapierre comment vinifier du vin sans souffre. Après un service civil avec le statut d’objecteur de conscience à la Fédération Nature et Progrès, il travaille pendant 10 ans comme régisseur chez Henry Frédéric Roch, propriétaire du domaine Prieuré Roch, alors à Vosne-Romanée, qu’il mènera en biodynamie avant de créer, en 2001, sa propre entreprise à Beaune (Côte d’Or). Au cours de son parcours il côtoie notamment Jacques Néauport et Jules Chauvet chez qui, en stage, il écrira un mémoire sur les levures indigènes intitulé : « l’écologie des levures indigène du Beaujolais ». Un « pédigré » connoté biodynamie et vins « naturels » diriez-vous ! Certes au commencement, mais, par la suite, avec toutes les nuances du recul et de la remise en cause propres, probablement, au savoir et à l’expérience cumulés.

Philippe Pacalet dans son chai d'élevage, à Beaune. Photo © Pierre d Ornano / Aeternus.fr
Philippe Pacalet dans son chai d'élevage, à Beaune. Photo © Pierre d Ornano/Aeternus.fr

« Je préfère les moines à Rudolf Steiner »

Depuis quelques années déjà, le vigneron a mis entre parenthèses les diktats du bio, de la biodynamie et du vin nature*. Pour autant, il déclare qu’il fallait s’émanciper de l’usage de la chimie, il utilise les systèmes vivants, dont les levures indigènes, ne renie pas Marcel Lapierre - le vigneron de Morgon et son approche naturelle favorisant les échanges entre la terre et les plants de vigne -, respectant le fruit en limitant au strict minimum les interventions de l’homme. « Je préfère les moines à Rudolf Steiner [fondateur de la biodynamie 1861-1925] », déclare, ainsi, souriant, Philippe Pacalet. Ceux-là ont fait la grandeur et la renommée de la Bourgogne par leur façon de travailler alors que la biodynamie montre des limites. Précisons que, souvent, l’interventionniste en viti-viniculture sert à répondre aux attentes du marché et se traduit, parfois, par une uniformisation des vins.

Aujourd’hui, aidé notamment par son épouse brésilienne, Mônica, qui s’occupe de la partie commerciale, Philippe Pacalet produit, sur 19 hectares (dont un en propriété), une vingtaine d’appellations en Côte de Nuits, Côte de Beaune, Chablisien et Beaujolais sur Moulin-à-vent. Au total environ 50 000 bouteilles sortent des chais chaque année. Sauf sur 1 hectare, en propriété (sur Moulin-à-vent), la maison travail en contrats d’achat de récolte. Le vigneron achète le raisin et facture son travail agricole à la vigne. Il choisit les parcelles pour ses vins en étant très sélectif.
*L'exploitation est en mode de culture durable et responsable de l'environnement.

De la vigne au chai ...

Avant d'aborder  les impressions de dégustation, quid des sols sur lesquels poussent les cépages respectifs (chardonnay et pinot noir) des ces Meursault et Gevrey-Chambertin, des millésimes 2018 et 2017 et des méthodes viti-vinicoles appliquées (dans les conditions climatiques propres à ces années) par Philippe Pacalet ?

Le Meursault blanc 2018 du domaine Philippe Pacalet. Photo Pierre d'Ornano / Aeternus.fr
Le Meursault blanc 2018 - domaine Philippe Pacalet. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Meursault 2018
un vin d’expression révélateur des lieux

Le chardonnay de cette cuvée 2018 de meursault provient de trois climats au sols argilo-calcaires, dont une grande partie des Grands Charrons, un endroit caillouteux exposé plein sud, donc chaud, et de Limozin, une parcelle située sous les Meursault Charmes. D’autres grappes sont issues du climat Les Vireuils du Dessus, exposé sud-est au sol très calcaire.

2018 : « année zen »

Quant aux conditions climatiques et à la qualité des raisins produits lors de ce millésime 2018 … « Ces dernières années l’état sanitaire de la vigne dans notre région est impeccable. Il n’y a presque rien à trier lors des vendanges » déclare Philippe Pacalet. « Depuis 2016 on a un ensoleillement beaucoup plus important et plus fort, mais 2018 a été un millésime sans problèmes, la vigne s’est bien développée, a eu de l’eau quand il fallait, pas de maladies. C’est une « année zen », avec certes des chaleurs, comme on a toujours maintenant et un ensoleillement, des temps plutôt secs, mais ça a été arrosé au bon moment, début juillet et début août. » Une année donc facile, qui s’est traduite par des rendements corrects entre 35 à 40 hectolitres par hectare, et une très bonne qualité de raisin. C’est un facteur essentiel pour faire un bon vin, l’expérience et le talent du vigneron faisant le reste, même si ce dernier, comme Philippe Pacalet, est peu interventionniste.

Le vade-mecum pour des blancs

Ses « secrets » pour obtenir un profil organoleptique idéal sur les blancs : « Il faut ramasser à maturité, à la fraîche, le matin, puis on fait un pressurage direct, en grappes entières, avec un très court débourbage. Le moût est ensuite mis en fût et la fermentation alcoolique démarre en pièces. » La fermentation malolactique est aussi faite en pièces. Elle apporter de la rondeur au vin, un procédé caractéristique de la vinification des blancs en Bourgogne.

Le complexité par la pureté

Ce meursault 2018 se caractérise par son niveau élevé de complexité. La méthode du vigneron pour atteindre cette richesse aromatique consiste à « essayer d’être le plus pur possible lors de la vinification. La fermentation alcoolique ne doit pas se faire trop rapidement. Avec les levures indigènes ça va doucement, tranquillement » dit-il d’une voix posée « puis tout au long de l’élevage on accompagne le vin, on n’intervient que s’il y a des problèmes qui apparaissent, seulement s’il y a quelque chose à faire. Le blanc c’est un soin continu, c’est un peu comme la pâtisserie, c’est sophistiqué, il faut être derrière tout au long du processus de production. »
Pour l’artisan bourguignon, tout n’est ainsi qu’une question de mesure et de justesse dans le temps et il en va de même pour l’utilisation du souffre : « le sulfitage est très léger et intervient en fin d’élevage. On essaie de le mettre juste au bon moment, quelques mois avant la mise en bouteille et au moment de l’embouteillage. » Ajoutons que Les vins ne sont pas filtrés et sont sous tirés par gravité.

Le Gevrey Chambertin 2017 domaine Philippe Pacalet. Photo © Pierre d'Ornano / Aeternus.fr
Le Gevrey Chambertin 2017 - domaine Philippe Pacalet. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Gevrey-Chambertin 2017 : un bourguignon rouge d’antan par le millésime

Avec le chardonnay, le pinot noir est l’autre cépage emblématique de la Bourgogne. C’est un cépage qui, lorsque le millésime est idoine, que le raisin est sain et la vinification adroite, produit des jus élégants et révèle toutes les subtilités des lieux.
Pour élaborer son Gevrey-Chambertin, Philippe Pacalet assemble les raisins de 5 parcelles des climats En Champs, Meix Bas, Seuvrées, Créots, La Platière et Charreux. On est sur un sol argilo-calcaire, avec des dépôts alluvionnaires (argile et cailloux) sur une roche calcaire. La superficie totale représente 3 hectares, orientés sud-est. Les vignes bénéficient ici d’un microclimat frais et ensoleillé.

2017 : un millésime « classique »

Philippe Pacalet décrit 2017 comme une année de production correcte - les rendements se situaient ente 30 et 35 hectolitres par hectares pour les rouges-, mais avec des conditions climatiques un peu plus compliquées qu’en 2018. « On a eu des gelées de printemps. S’il n’y a pas eu d’orages, on a connu des petits coups de chaud et de froid, comme ce que l’on vit en ce moment. C’est un millésime que l’on peut qualifier de classique, avec un peu moins d’alcool. Ça fait des vins très élégants, un peu comme ceux que l’on trouvait avant en Bourgogne, mais avec quand même une belle couleur. » Et de souligner « depuis 2016, les millésimes ressemblent un peu à ceux d’après-guerre, les 1945/46/47/48/49. Il faisait chaud alors et il y avait beaucoup de soleil. »

Vinifier avec le moins possible d’interventions

Comme pour les blancs la vinification débute par des vendanges en grappes entières, avec un triage aux vignes, sans SO2, et le moins d’interventions possible. Des levures indigènes sont donc utilisées pour la fermentation alcoolique, réalisée sans thermorégulation, et la malolactique s’est aussi faite en pièce. La cuvaison - en cuves de bois tronçoniques - pour ce Gevrey-Chambertin 2017 a durée deux semaines et demie avec un pigeage (le marc est enfoncé dans le moût) biquotidien puis une mise en fûts. « Il n’y a pas de soutirage, précise Philippe Pacalet, pour ne pas séparer trop tôt le vin des lies et éviter, ainsi, de mettre de l’air ». Et d’ajouter « Les lies c’est comme le placenta, elles nourrissent le vin, elles le collent et le protègent. Elles permettent au vin d’évoluer de se différencier, de se complexifier. Et il ne faut pas mettre trop tôt de l’oxygène. On soutirerait uniquement si on rencontrait un problème avec une pièce, s’il fallait la changer. »

Le roulage bourguignon

« Et si on doit déplacer les tonneaux on les roule, on ne les pompe pas. C’est comme les champenois, on mélange les lies en l’absence d’oxygène. Eux le font en bouteille, c’est le remuage, nous le faisons en déplaçant nos fûts. » Une méthode bourguignonne moins violente que le soutirage, qui permet aussi d’avoir une meilleure uniformité. Après la cuvaison, l’élevage sur lies a duré 13 mois, avec des remuages sans adjonction de SO2 (comme pour les blancs, du souffre est mis seulement en fin d’élevage). Le vin a ensuite reposé 3 mois en foudre.

Notes de dégustation

Meursault 2018

Couleur : or, paille.
Nez discret, floral, délicat, avec des notes de verveine. On perçoit une légère réduction avec des arômes de noisettes grillées et de cédrat.

On retrouve dans ce vin le profil aromatique recherché par le vigneron pour le meursault : un vin gourmand, riche, avec des arômes un peu verveine, menthe, un côté noisettes grillées. « La finale amène sur une belle tension, avec des saveurs d’olives amères pour tenir tout le vin, apporter de la fraîcheur et de la sapidité », dixit Philippe Pacalet. En bouche, il révèle la minéralité du calcaire, mais aussi la fraicheur de l’argile. Il offre une grande ampleur et de la profondeur, avec une signature en « v », un gras discret avec une très belle structure tout en finesse, enrobée de matière. Un vin minéral, à la fois naturel et racé qui s’impose par son élégance.
« Ce Meursault peut être dégusté aujourd'hui, mais il y a un réel intérêt à le conserver au moins une dizaine d’année, car le vieillissement amène le la complexité sur les blancs, notamment avec ce millésime 2018 », souligne Philippe Pacalet.

Accords mets & vins

On mettra en avant la finesse, la complexité et la fraicheur de ce Meursault pour le proposer à l’apéritif, en entrée ou en plat principal. Il s’accordera parfaitement avec des poissons (saumon, lotte, turbot), un plat de moules à la crème, qui fera écho au gras du vin, et accompagnera à merveille une volaille fermière rehaussée d’une sauce aux morilles.

Nombre de cols produits : 5000, un petit volume, mais il y en a encore à la vente.

Tarif : 76,50 euros TTC (tarif public départ cave)

Gevrey-Chambertin 2017

Couleur : Rubis avec des reflets grenats.
Au nez on perçoit de très beaux parfums composés d’arômes primaires, de fruits noirs et rouge, cerise, cassis, violette. Des notes de réglisse son aussi présentes.

En bouche, ce 2017 est puissant, souple et élégant. Il se caractérise par une belle structure tannique avec une sensation de dentelle. L’acidité apporte de la fraîcheur et de la vivacité. Le vin offre aussi de la rondeur et une note minérale de terroir calcaire ; un bel équilibre acidité / sucrosité. On sent un millésime marqué par l’élégance et la fraîcheur qui donne, chez Philippe Pacalet, ce vin sapide, fruité, gourmand et complexe.

« C’est joli les 2017 à boire en ce moment. Une belle carte postale de ce que sont les Gevrey-Chambertin », dixit Philippe Pacalet.

Le vins peut être conservé, dans de bonnes conditions, en cave, pendant 10 ans. Il gagnera un peu en complexité d’ici trois à cinq ans, mais le boire dès aujourd’hui, pour un profil plus fruité, vous régalera.

Accords mets & vins

Ce Gevrey-Chambertin, qui ne manque pas de puissance, s’accordera notamment avec du gibier, pourquoi pas du chevreuil rôti ou en sauce, mais aussi des magrets de canard grillés, du veau, de l’agneau préparés avec des épices, ou encore un simple filet de bœuf.

Nombre de cols produits : 8000.

Tarif : 64 euros TTC (tarif public départ cave)

Informations pratiques

La Maison Philippe Pacalet produit en moyenne 50 000 cols par an. 80% des vins sont vendus à l’export, dont l’Asie (Japon, Thaïlande, …) son meilleur marché, les États-Unis ou encore Venise. La France compte pour 20% des ventes, mais le souhait de Philippe et Mônica Pacalet est de porter cette allocation à 30%. Ces vins sont donc rares.

Où les trouver :

- Au caveau, que l’on peut visiter sur RDV.
12, rue de Chaumergy - 21200 Beaune - France
Tél. : +33 (0)3 80 25 91 00 / Fax +33 (0)3 80 22 46 18
Courriels : contact@vins-philippe-pacalet.fr / commercial@vins-philippe-pacalet.fr

Pour se rendre sur le site Philippe Pacalet cliquez « ICI » 

Chez les cavistes parisiens :
-Lavinia
-Caves Augé
-Les Caves du Panthéon

Dans certains restaurants parisiens :
-Jaïs
3 Rue Surcouf, 75007 Paris
-Bistrot Paul Bert 
22 Rue Paul Bert, 75011 Paris
-Le Septime
80 Rue de Charonne, 75011 Paris
-Le Carré des Feuillants
14 Rue de Castiglione, 75001 Paris
-Philou
12 Avenue Richerand, 75010 Paris
-L’Arpège
84 Rue de Varenne, 75007 Paris

A Beaune :
-Le Tast Vin (Hôtel Restaurant)
35 Avenue du 8 Septembre 1944, 21200 Beaune
Téléphone : 03 80 24 10 34
-Caves Madeleine
8 Rue du Faubourg Madeleine, 21200 Beaune
-Le Comptoir des Tontons
22 Rue du faubourg madeleine, 21200 Beaune
Tel 0380241964

Dans d'autres lieux :
-La table du Square, Restaurant du domaine Saint Pierre
Domaine Saint Pierre, 49290 Chaudefonds-sur-Layon
Contact : Tél. 02.41.78.04.21 / Fax 02.41.78.04.26

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