Katia Ollivier Coutelier, à l'entrée de l'espace de dégustation de son domaine, Le Martinat. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
0 0
Read Time:12 Minute, 36 Second

Nous sommes à Lembras (24), près de Bergerac, au domaine Le Martinat sur l’appellation Pécharmant. Un nom qui viendrait du mot celte ‘pech’, et aurait pour signification « la colline charmante ». Sur ces terres, quatre générations de la famille Ollivier se sont succédées en vivant des revenus de la culture du maïs, du tabac, de la vigne et de l’élevage. Une exploitation en polyculture-élevage devenue, en 2000, à 100% viticole.

Photo de Une : Katia Ollivier à l'entrée de l'espace de dégustation de son domaine, Le Martinat en Pécharmant. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

L'ancien puits, toujours opérationnel. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
L'ancien puits, toujours opérationnel. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

À l’origine de cette transformation, il-y-a Katia, dernière exploitante du domaine familial qui, après avoir été pépiniériste, ailleurs, décida, à l’orée de ce siècle, de reprendre les 60 ares de vignes de ses parents, d’agrandir le domaine et de produire du Pécharmant. Une gageüre couronnée de succès pour cette « viticultrice sur le tard » à la forte personnalité. Car jusque-là le vin produit par sa famille était vendu en tonneau et pour une consommation personnelle.
Trois vins rouges, vinifiés à l’ancienne, avec l’aide de l’œnologue conseil Patricia Guéry, sortent aujourd’hui de son chai : l’Inattendue, élevé en jarre, la cuvée Marguerite, qui ne touche pas le bois, et la cuvée Désiré, délicatement boisée. Des vins typés, notamment grâce au silice riche en fer qui imprègne les sols, à découvrir, ainsi que le lieu, sur la route des vins de Bergerac et Duras, constitué de vallons verdoyants.

Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Une femme, vigneronne, entrepreneuse et socialement engagée

Pépiniériste de formation, en 2000 Katia reprend les 60 ares de vignes de ses parents. Elle commence à planter de nouveaux pieds et en parallèle elle suit une formation professionnelle pour adulte au Lycée de la Brie, à Monbazillac. En 2005, Katia s’installe comme viticultrice et apporte, à cette époque, ses raisins à une cave coopérative. En 2016, elle retourne sur les bancs du lycée de la Brie afin de compléter ses connaissances, pour une formation de 4 mois en viticulture et œnologie. « C’est cette année que j’ai décidé de sortir une partie de mes vins de la cave coopérative » déclare-t-elle. En 2017, année du gel, le domaine ne produit rien. L’année suivante, Katia augmentera encore la part de sa récolte mise en bouteille à la propriété et s’émancipera totalement de la coopérative pour le millésime 2019, vinifié dans le nouveau chai qu’elle vient de faire construire. Enfin, ajoutons que les étiquettes des flacons sont traduites en braille et que les emballages sont faits dans des ‘Ateliers protégés’*, un engagement à dimension social, fait en toute discrétion.

* Devenues depuis 2005 ‘Entreprises Adaptées’, ces unités de production embauchent des personnes reconnues travailleurs handicapés.

Katia observant l'évolution du merlot en pleine floraison. On discerne déjà des grains. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Katia observant l'évolution du merlot en pleine floraison. On discerne déjà des grains. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Pécharmant, une AOP « confidentielle » du Périgord

Localisation de l'AOP Pécharmant.
Localisation de l'AOP Pécharmant © DR

Confidentielle par sa taille et car ne bénéficiant pas du ‘buzz’ de certains vignobles hyper médiatisés, sans pour autant démériter par la qualité, la typicité de ses vins, et leur très bon rapport qualité/prix, Pécharmant est le berceau originel du vignoble de Bergerac. Si les romains cultivaient déjà la vigne le long de la Dordogne, et que la production de vin connut au fil des péripéties de l’histoire et des interdits de longs arrêts qui touchèrent l’ensemble du Bergeracois et d’ailleurs l’ensemble des territoires viticoles, il est relaté que dès 1080 les moines du Prieuré de Saint-Martin défrichèrent la forêt pour gagner des arpents de terre au nord de Bergerac, constituant la vinée nord - territoire regroupant sept paroisses.
Pour ce qui est de l’histoire plus récente, en 1943 le syndicat viticole est créé. L’Appellation d’origine contrôlée (AOC) Pécharmant sera reconnue 3 ans plus tard, le 12 mars 1946. Elle est à ce jour revendiquée par 50 producteurs qui exploitent 400 hectares de vigne répartis sur les communes de Bergerac, Creysse, Lembras et Saint-Sauveur.
Pour respecter le cahier des charges, les cuvées doivent être constituées d’un assemblage d’au moins trois cépages, parmi les quatre autorisés qui sont : le merlot, le cabernet franc, le cabernet sauvignon et le malbec. D’où une complexité des vins garantie lorsque les cépages trouvent dans les bonnes parcelles leur sol de prédilection, et que l’art de l’assemblage est bien maîtrisé.

Parcelle de Merlot, sur sol argileux silicieux - Domaine le Martinat. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Parcelle de Merlot, sur sol argileux silicieux - Domaine le Martinat. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Une agriculture raisonnée et au-delà…

Aujourd’hui, Le Martinat compte 8,35 hectares de vignes en production, localisés sur les communes de Lembras (4ha) et de Saint Sauveur (4,35ha), respectivement au nord-est et à l’est de Bergerac. Le sol est argilo-calcaire, avec une prédominance d’argiles, émaillées de silex, avec, à certains endroits, des galets roulés quartzeux de rivière.
Le domaine est en agriculture raisonnée. Dans sa conduite de la vigne, la vigneronne fait, « lorsque le besoin s’en fait sentir » précise-t-elle, de l’enherbement inter-rangs dans les parcelles, avec de la féverole* et de l’avoine**. Les vignes sont entourées de haies naturelles qui sont conservées et entretenues. « À une époque, les Chambres d’agriculture nous disaient qu’il fallait arracher, pour avoir de grands espaces. Si certains vignerons en sont revenus, je ne comprends pas comment on peut continuer à faire de l’arrachage de haies ! » se désole-t-elle. La vigne est conduite en guyot simple.

*Dotée d’une bonne capacité de germination, ainsi qu’une capacité à fixer et restituer l’azote atmosphérique, la féverole permet d’améliorer la fertilité chimique mais aussi physique des sols.
**L'avoine d'hiver assure une bonne protection du sol en situation difficile. Riches en carbone, ses tissus permettent la production d’humus stable.

Des interventions minimalistes

Concernant les récoltes, elle a fait le choix de la machine … « car ça me permet de pousser mes maturités assez loin, de ramasser mes cabernets francs mûrs et de vendanger en peu de temps. Les nouvelles machines à vendanger sont dotées d’une souffleuse, elles font le tri, et le travail est très propre. Aucune feuille n’est laissée. Les grains sont mis directement dans les cuves inox. La vinification de chaque cépage est faite séparément. Je ne fais pas de remontage, je n’utilise pas de pompe, je ne fais que du pigeage. Après cela le mouillage est fait à l’arrosoir. Je passe le moins possible les vins dans les pompes, ce qui évite notamment les contaminations et l’oxydation.

Le chai du domaine Le Martinat, doté de cuves inox, construit en 2019. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Le chai du domaine Le Martinat, doté de cuves inox, construit en 2019. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Après décuvage, je laisse la main à un prestataire de service qui fait le pressurage au chai, avec un pressoir pneumatique. Je bénéficie ainsi d’un matériel neuf. C’est l’assurance de ne pas avoir un pressage dur. »
Enfin, l’usage du souffre est limité au minimum en quantité. Le sulfitage est réalisé au moment de rentrer le vendange puis après le pigeage et lors de la mise en bouteille.

'L'inattendue' et le 'Désiré', deux cuvées pour deux univers gustatifs

La cuvée L'Inattendue 2019. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
La cuvée L'Inattendue 2019. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

L’Inattendue 2019, un vin premium, vinifié en jarre de 380 litres

- Cabernet sauvignon majoritaire (50%), merlot 30%, cabernet franc 24%.
Les trois cépages sont localisés sur la parcelle le Martinat.
- Sol argilo calcaire, avec une prédominance d’argile et de silex.

2019 : une belle année

« 2019 a été une belle année, un peu stressante car je rentrais tout mon raisin chez moi. On a pu ramasser dans de bonne conditions. Je n’ai pas le souvenir de mauvaises intempéries. Le rendement était à 40 hecto/hectare», dixit Katia.

Katia Ollivier Coutelier - Domaine Le Martinat. Jarres Amphore Dolia du potier basque Goicoechea. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Katia Ollivier Coutelier - Domaine Le Martinat. Jarres Amphore Dolia du potier basque Goicoechea. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Vinification

Après la presse, et les fermentations alcoolique et malolactique en cuve, les moûts assemblées sont mises en jarre sans aucune autres interventions. « Je laisse le vin tranquille pendant 6 mois, je me contente de mouiller la jarre et de faire les niveaux. Avec Patricia Guéry, on fait régulièrement des analyses et on goûte. Le dernier mois ça évolue très vite. On goûte alors tous les jours. Lorsque l’on considère que c’est le bon moment, le vin est siphonné et mis au repos pendant au moins 4 mois dans un garde vin. La mise en bouteille se fait en septembre. »
Profil organoleptique : « je ne savais pas trop au départ ce que cela allait donner car c’était ma 2e vinification en jarre. Mais je souhaitais un vin pour fin de repas ou pour accompagner un dessert. On a retrouvé sur cet assemblage un côté garrigue, présent sur les 2016. » Et Katia d’avoue… « Ça a été un peu la surprise. »

Notes de dégustation

Robe grenat soutenue avec des reflets roses.
Le nez offre une belle complexité, avec des arômes de cassis, de réglisse, d’épices (poivre noir), de pruneaux confits et de cacao. La bouche est ronde, l’attaque est progressive et douce, les tanins sont serrés mais commencent à se fondre. Le palais se tapisse de saveurs qui se prolongent. La garrigue est bien présente. Cette cuvée, d'une belle structure, allie puissance, fraîcheur et minéralité. Pour Katia : « à bonne température on retrouve des odeurs de terre après un orage. »

Accords mets & vins

Un vin à offrir ou à partager au cours d’un repas en le laissant, au préalable, encore vieillir en cave quelques années pour qu’il révèle toute sa complexité. Il se mariera avec des plats typiques du sud-ouest, du canard, du cassoulet, des viandes rouges en sauce ou encore du gibier lors de la saison de la chasse. Enfin, l’accord avec un dessert chocolaté surprendra agréablement vos convives.
Production limitée à 800 cols
14% Vol.
Tarif : 29 € TTC (75cl) au caveau.
Le flacon est vendu dans une caisse en bois.

La cuvée Désiré 2020. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
La cuvée Désiré 2020. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Cuvée Désiré 2020, un vin de repas, convivial

-65% cabernet sauvignon, 20% merlot, 15% cabernet franc.
-Parcelle le Martinat.
-Sol argilo calcaire, avec une prédominance d’argile et de silex.

2020 : un millésime avec prise de risque

Cette année, comme la précédente, a permis de sortir des chais une production qualitative au domaine, mais ce ne fut pas sans une certaine prise de risque… « Pour moi, 2020 est un joli millésime, qui n’a pas été facile car on était parti pour avoir des degrés. Et on a eu très chaud, dans tous les sens du terme ! » s’empresse d’ajouter Katia. Certains vignerons ont d’ailleurs commencé à vendanger très tôt, par peur de perdre du volume, avec parfois des raisins pas très mûrs. Avec Patricia Guéry nous sommes passées dans les rangs et j’ai eu aussi tendance à vouloir vendanger dans la précipitation. Finalement, j’ai choisi d’attendre, une perturbation arrivait qu’on a décidé de prendre », relate-t-elle. Résultat, grâce à cette pluie les baies se sont gonflées et leur taux d’alcool a baissé de 1 degré, ce qui a permis à la vigneronne de ramasser les raisins à 13, sans perte de volume. « Le fait de vendanger à la machine m’a aussi permis de passer entre deux perturbations. On a vendangé en 3 jours. A partir de la dernière benne qu’on a mise au chai il a plu jusqu’en décembre », précise-t-elle.
Des staves pour une pointe de sucrosité et de souplesse
« Sur le Désiré je voulais créer quelque chose avec des dominantes sauvignon, cabernet franc, un vin de repas que l’on puisse garder. Avec un coté terroir et minéral. » Si le processus la vinification a été le même que pour la cuvée L’inattendue, pour ce millésime 2020 la vigneronne a incorporé des staves* dans la cuve de vieillissement … « Le boisé qu’apporte la barrique ne me convenait pas. Je souhaitais un apport un peu sucrant et ainsi gagner en rondeur pour que cette cuvée corresponde au profil organoleptique que je recherchais. »

Notes de dégustation

Robe grenat avec des reflets violets.
Le bouquet est à dominante fruits rouges, mûre, groseille et cerise noire confiturée, réglisse avec des touches de poivre gris, pruneaux confits et toast grillé. Cette cuvée Désirée 2019 est racée. Les tanins commencent à se fondre et devraient évoluer vers plus de souplesse. Le vin n’est pas refiltré, il doit donc être carafé avant dégustation. En le dégustant un jour après ouverture, les saveurs empyreumatiques de chocolat, toast grillé, ont pris le dessus et les tanins assez fermes la veille se sont arrondis. Un vin aussi de repas, que l’on peut déguster tout de suite ou encore garder, dans de bonnes conditions de conservation.

Accords mets & vins

À la fois puissant et fruité, le Désiré 2020 accompagnera, sans risque de faute d’accord, des plats de viande (daube, bourguignon, osso bucco, blanquette), mais également des grillades, des brochettes d’agneau, une côte de bœuf ou encore une salade landaise. Pensez aussi aux fromages, notamment ceux à croûte fleurie (camembert, brie, brique, coulommiers etc.) qui se marient très bien avec ce type de vins.
13% Vol.
Tarif : 11 € TTC (75cl) au caveau.

Katia Ollivier Coutelier et Caroline Mary, une amie qui lui prête main forte pour la vente lors de ses déplacements. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Katia Ollivier Coutelier et Caroline Mary, une amie qui lui prête main forte pour la vente lors de ses déplacements. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

*Les staves de bois sont issues de merrains ou douelles, planches de bois longitudinales qui assemblées côte à côte forment la paroi des tonneaux de vinification. Les staves ont une large gamme de composés aromatiques. Le stave se rapproche le plus de la barrique.

Informations pratiques

Domaine Le Martinat
Lieu-dit Le Martinat 24100 - LEMBRAS
Tél. : +33 6 69 15 42 19
Courriel : domainelemartinat24@yahoo.com
Production moyenne : 10 000 cols/an. Une partie de la production de raisin est vendue en vrac.

Le caveau de dégustation et de vente du domaine Le Martinat, en AOC Pécharmant © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr
Le caveau de dégustation et de vente du domaine Le Martinat, en AOC Pécharmant. Photo © Pierre d'Ornano/Aeternus.fr

Où acheter les vins…
Vente à la propriété, chez les cavistes et en CHR.
Katia est aussi présente sur les marchés de producteurs.

Venir les déguster au caveau ...
Le domaine organise des dégustations dînatoires en période estivale, les dimanche, lundi et mardi de 18h30 à 20h00, au tarif de 15 € par personne (sur réservation 24 heures à l’avance).
Vins à la dégustation : 4 Pécharmant et 2 vins surprises, avec leurs accords.

N.B. : Le domaine commercialise au caveau d'autres appellations, Monbazillac, Montravel et Bergerac.

Localisation

Happy
Happy
100 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %
Partagez cet article :