
Quinze années sont passées depuis la reconnaissance, en avril 2007, de l’AOP* Languedoc. Une période au cours de laquelle cette petite appellation viticole régionale, par le volume et la délimitation, a su s’imposer comme le fer de lance de l’ensemble de la région Languedoc-Roussillon. Avec 250 000 hectolitres produits en moyenne par an, elle occupe, en volume, le premier rang de l’ensemble des AOP du Languedoc, soit 25 % de la production. Les domaines produisant les vins de l’appellation, sortent aujourd’hui des vins typés, issus de cépages adaptés à une grande diversité de terroirs et qui bénéficient des atouts de microclimats méditerranéens. Face aux nouveaux enjeux climatiques, le syndicat de l'AOP Languedoc vient d’annoncer une modification de son cahier des charges afin d’y apporter des réponses.
* Le label de qualité AOP (Appellation d’Origine Protégée) est un signe européen de protection des produits dans l’UE. Sa déclinaison française est l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). Le logo AOC ne peut pas figurer sur les produits enregistrés comme AOP.
Un modèle de premiumisation qui a su s’imposer
Au cœur de l’Occitanie, les vignerons de l’appellation Languedoc ont ainsi su en 15 ans valoriser leurs vins. Un nouveau positionnement - notamment sur les rosés, devenus aujourd’hui majoritaires - et un nouveau style de produits, plus typés et plus qualitatifs, ont dopé les ventes de ceux qui se sont engagés dans l’aventure en se mettant d’équerre avec le cahier des charges pour accéder à l’AOP Languedoc. « Alors que jusqu’au début des années 2000 le région produisait majoritairement des vins de table rouges, quelques vignerons de Faugères, Saint-Chinian, Pic Saint-Loup, Saint-Christol … ont eu l’audace de créer une nouvelle offre qui a dynamisé la filière », a déclaré, en substance, Jean-Benoît Cavalier, président du syndicat de l’AOP Languedoc, et vigneron au Château de Lascaux (Hérault) lors d’une conférence de presse, tenue à Paris le 22 novembre.

De 2008 à 2021, les ventes sont ainsi passées de 24 millions de cols à près de 38,9 millions**.
45% des ventes réalisées à l'export
Une progression de plus de 60% tirée tant par la France que par l’export dont la part atteint 45% aujourd’hui. L’accession à l’AOP, concomitante à une premiumisation, s’est traduite par une progression de 55% des ventes en France sur les 10 dernières années.
Soulignons que la proportion des ventes à l’étranger des AOP Languedoc est de 6 points supérieure à celle de l’ensemble des vins (AOP) du Languedoc qui s’établit à 39%. En valeur, de 2011 à 2021 le chiffre d’affaires a lui bondi de 22 M€ à 55 M€ (+150 %) tiré notamment par les USA.
Exportations : les États-Unis en tête du Top 5

Sources : IRI / Ubifrance / CIVL
Le rosé moteur de la croissance
Comme pour les vins de Provence, la conquête des parts de marché revient en grande partie à l’engouement continu des consommateurs pour les rosés. En 10 ans, les ventes ont progressé de 160%. Alors que les vins rouges étaient historiquement majoritaires, ce sont désormais les rosés, moteur de l’appellation, qui prédominent. Ils représentent 55% de la production de l’AOP Languedoc (soit les deux tiers de l’ensemble des appellations), contre 35% pour les rouges et 10% pour les blancs. Concernant l’export, en 9 ans les volumes de rosés affichent une progression de 125%, ce qui correspond à la moitié des ventes hors de nos frontières, soit 11,5 millions de cols. Soulignons que la région manque de vins blancs, dont la Clairette du Limoux fut le 1er produit d’appellation.
**Chiffres hors DGC : Dénominations Géographiques Complémentaires.
La carte d'identité de l'AOP Languedoc

L’AOP Languedoc ce sont 10 000 hectares de vignes qui courent des portes de Nîmes à Collioure. L’aire d’appellation regroupe 531 communes et s’étend sur 4 départements : Hérault, Gard, Aude, Pyrénées-Orientales. Les appellations du Languedoc se structurent à partir de l’appellation régionale AOC Languedoc (blanc, rosé, rouge) qui compte 11 dénominations géographiques qui peuvent compléter le nom AOP Languedoc : Cabrières ; Grés de Montpellier ; La Méjanelle ; Montpeyroux ; Pézenas ; Quatourze ; Saint-Christol ; Saint-Drézéry; Saint-Georges-d’Orques ; Saint-Saturnin ; Sommières. On dénombre à ce jour, au total, 38 appellations et dénominations à l’intérieur de l’AOP, ayant chacune leur spécificité.
En 15 ans Picpoul de Pinet (2013), Terrasses du Larzac (2014), La Clape (2015) et Pic Saint Loup (2017) se sont hissées au rang d’AOP.
6000 vignerons sur 43 300 hectares
6 000 vignerons produisent de l’AOP sur l’aire d’appellation Languedoc qui compte 43 300 hectares déclarés. Les cépages historiques de la région sont : le carignan, le grenache noir, la syrah, le mourvèdre, le cinsault, le morastel, le picpoul noir et le terret noir pour les vins rouges et rosés ; le carignan blanc, le grenache blanc, le maccabeu, le bourboulenc, la marsanne, la roussanne, le piquepoul blanc, la clairette blanche, le rolle, le tourbat et le viognier pour le vin blanc.
* L’ensemble de la région Languedoc Roussillon, plus vaste région viticole du monde, produit autour de 11 millions d’hectolitres de vin en moyenne par an.
Les grandes dates de l’appellation Languedoc
-En 1988, les vignerons de l’appellation se sont vu reconnaître la possibilité de produire des vins blancs. Jusque-là seuls les rouges et les rosés étaient autorisés.
-En 2011, l’aire de l’AOP Languedoc s’est agrandie de 40 communes.
Si l’AOP Languedoc est une petite appellation régionale par les volumes et sa délimitation, elle offre une grande et belle diversité géographique et des vins reconnus aujourd’hui par leur qualité.
Des vins typés, issus d’un mariage idoine avec les différents terroirs méditerranéens
Des Cévennes au Larzac, du Caroux à la Montagne Noire, des plaines côtières et coteaux, jusqu’au couloir Atlantique à l'extrême ouest, le vignoble s’inscrit dans cinq zones géographiques distinctes, où les influences méditerranéennes, mais aussi continentales et les vents (mistral, tramontane vent du nord) influencent la maturation des baies de raisin en les séchant ou en leur apportant de la fraîcheur. L’aire est constituée d’une mosaïque de sols : terrasses de cailloux roulés, grès et marnes, calcaires et schistes, sols argileux, poudingues, sols sableux, basaltes, etc. qui s’expriment dans les vins avec les différents cépages en fonctions leurs situations géographiques.

« l’appellation méditerranéenne multi-cépages, amphithéâtre tourné vers la méditerranée, est dotée de territoires qui évoluent très vite, déclare Jean-Benoît Cavalier. Notre savoir-faire est fondé sur l’agencement, la mise en place des différents cépages dont les principaux sont la syrah, le mourvèdre, le carignan, le cinsault et le grenache. » Des cépages qui, associés aux terroirs et au climat, donnent des vins avec des profils qui révèlent des arômes et des saveurs fruités, d’épices, de garrigue avec une qualité de tanins et des concentrations qui permettent la production de vins de garde.
Des vins premium, mais accessibles

Concernant les circuits de distribution et le positionnement prix, « les ventes se font à hauteur de près de 42% en GD (Grande Distribution) et 38% sur le secteur traditionnel [Cafés Hôtels Restaurants], les 20% restant sont valorisés par le E. commerce et en circuits courts dont 11% pour la vente au caveau », a précisé Olivier Legrand, délégué général du Conseil Interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL). La valorisation se traduit aussi en GD, segment sur lequel 60% des ventes se font sur des bouteilles à plus de 5€, un prix plus élevé que pour les concurrents. En 15 ans, les ventes totales en GD de bouteilles à plus de 5 € sont passées de 4,2 millions à 5,6 millions, soit une hausse de 34%. Ce bon référencement traduit le positionnement qualitatif des vins et des tarifs qui demeurent accessibles. Le prix moyen des rouges chez les cavistes ressort 14,60€ par cols. Globalement la croissance est tirée par les produits à plus de 7€.

Des chiffres qui, pour Olivier Legrand, sont « le reflet d’une région très vibrante ». En outre, l’appellation est recommandée sur les circuits de prescripteurs. 83%* des cavistes français proposent des vins de l’AOP Languedoc qui fait partie du « Top 10 » des appellations les plus présentes sur ce réseau avec Côtes du Rhône, Sancerre ou encore Châteauneuf du Pape. Enfin, aux USA, sur la tranche 20 à 25 € l’AOP Languedoc est considérée comme la meilleure appellation. Précisons également que la 1ère maison à vendre des AOP du Languedoc, notamment rosés, est Gérard Bertrand, .
*Source Symetris : relevé de début octobre 2021 à début avril 2022 ; 328 cavistes français (hors Corse).
2022 : Trois mesures agro-environnementales complètent le cahier des charges
Concomitamment au succès rencontré sur les marchés, le vignoble languedocien accroit la part du bio dans ses exploitations. Aujourd’hui, 30% des domaines sont engagés dans une démarche environnementale dont 15% en bio. Et la démarche visant à préserver l’environnement se poursuit, en cohérence avec le positionnement des vins. Ainsi, en 2022 le cahier des charges s’enrichit de mesures agro-environnementales.
Le 2 juin 2022, après plusieurs années de travail collectif, le syndicat de l’AOP Languedoc a obtenu une modification du cahier des charges de l’appellation. Trois mesures agro-environnementales (MAE) en lien avec le terroir ont ainsi été approuvées à cette date par le comité national des appellations d’origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l’INAO* : l’interdiction du paillage plastique, du désherbage chimique des tournières et la limitation du désherbage de l’inter rang.
Une meilleure préservation des sols et de la ressource en eau
Ces décisions assurent une protection des sols, en cohérence avec le souhait de produire des vins de terroir, le soucis de la réserve en eau, et le respect de l’environnement, dixit le président du syndicat de l’AOP Languedoc : « ces clauses s’imposent dans la mesure où nous produisons un vin de terroir pour lequel le sol est un élément fondamental qui doit être respecté et préservé » …

... « La décision de l’Inao est un véritable aboutissement. Elle vient sacraliser des pratiques en oeuvre depuis des années dans le vignoble - la préoccupation de l’eau n’étant pas une nouveauté. Et elle crée une vraie dynamique dans l’écosystème des appellations du Languedoc. Pic Saint-Loup, Cabrières, Faugères ont également modifié leur cahier des charges dans ce sens. » Et d’ajouter, en substance, que ces nouvelles mesures permettent de restaurer les caractéristiques physiques et biologiques de la terre, assurent une meilleure pénétration de l’eau dans les sols, un accroissement de la capacité de rétention et se traduisent par une amélioration de la qualité de l’eau souterraine et de ruissellement.
*Institut national de l’origine et de la qualité
Vers moins de chimie de soufre et de cuivre
Autre avancée majeure dans le contexte du réchauffement climatique, le syndicat a fait introduire dans son cahier des charges des cépages plus résistants, variétés autochtones : piquepoul noir, œillade noir … ; et cépages étrangers : le nero d’avola sicilien, le montepulciano italien et l’assyrtiko grec … Ces pieds de vigne plus résistants aux maladies ont été expérimentés pendant trois ans dans le vignoble avec de bons résultats. Ils permettrons de réduire encore l’usage de produits chimiques, de soufre et de cuivre.