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Ce best-seller, vendu à plus de 20 000 exemplaires depuis sa parution, aux Éditions Ouest France, est signé de l’écrivain Louis Lebourdais, un paysan aux origines modestes, à la plume brillante, un conteur du quotidien, décédé le 25 juin 2022 (il aurait 100 ans aujourd’hui). Un livre émouvant qui retrace l’itinéraire d’une vie rurale, la transmission paysanne, la tendresse d’un monde où le voisin et l’étranger qui passe comptent. 100 ans d’histoires humaines, entre Maine et Normandie, faites d’instants de vies, entre rencontres, repas, héros oubliés, souvenirs de guerre et 14 juillet, dont la simplicité voisine avec la profondeur. Un livre, recueil de mémoires, à classer au patrimoine français.

Un livre à classer au patrimoine français.
Extraits ...

Tante Bique
C’était la sœur de mon grand-père. Une toute petite bonne femme que le Bon Dieu avait oubliée pendant toute une vie dans une maison grise au fond d’un hameau, comme on oublie une pomme de jaune au fond d’un grenier pendant tout un hiver.
D’une reinette, elle avait les milles petites rides, la peau parcheminée et sèche, à cause du soleil d’été qui pousse les paysannes dans les moissons brûlantes et du vent d’hiver qui les recroqueville, des heures durant, au pied des tas de betteraves ou dans les champs de navets.

C'était Youcef
Youcef, je ne sais pas quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Ou plutôt, nous ne nous sommes pas rencontrés, mais un jour vous avez ouvert votre fenêtre pour héler un quidam qui flânait, désœuvré, sur le trottoir. Celui-là, et pas un autre. Je ne vous ai jamais demandé pourquoi ? Dans cette petite rue de notre petit village, au voisinage d’un bar-tabac, les passants sont nombreux… Et de plus, vous aviez des voisins sympathiques. Notre ville n’est pas une métropole anonyme où chacun vaque à ses occupations sans se soucier du voisinage.

Toujours est-il que, ce jour-là, moi, campagnard peu habitué au mélange de populations qui caractérise la vie citadine, j’ai vu surgir à une fenêtre ouverte un visage sur lequel il est impossible de se méprendre : c’était un Arabe. Beau comme sont ces gens-là lorsqu’ils prennent de l’âge et que sur leur visage buriné sous des cheveux fournis poivre et sel semble sculpté dans le bronze.
Vous aviez besoin d’aide, m’avez-vous dit, pour déplacer un meuble que les déménageurs n’avaient pas installé au bon endroit. Qu’à cela ne tienne, en quelques minutes, en unissant nos efforts, et vous ne ménagiez pas les vôtres, nous avons donné à la pièce l’aspect qui vous convenait.

Chanson gitane
Sur le parking du supermarché, elle ondule entre les voitures, longue silhouette drapée dans une robe noire qui moule son ventre plat. Les autres, celles qu’on voit d’habitude, sont toutes les mêmes, vieillies avant l’âge par des maternités précoces et rapprochées. Ses cheveux, qu’elle décolore pourquoi ? – s’animent au moindre de ses gestes, et prennent le vent qui s’en amuse au point d’abandonner aujourd’hui la hargne dont il fait preuve habituellement en ce lieu désolé. Il fait léger, léger… alors ses longs doigts retiennent les plus fous, dégagent une zone de peau mate autour de ses yeux.

Bohémienne aux grandes yeux noirs
Tes cheveux couleur du soir
Et l’éclat de ta peau brune
Sont plus beaux qu’un clair de lune…

--> Cent ans ! Louis Lebourdais | Éditions Ouest-France

Du même auteur :

-Les choses qui se donnent, Éditions Cénomane, 1995
-Les Épis du vent, Éditions Cénomane, 2001

Les témoignages de Louis et Lucienne ont été recueillis par Pierrick Bourgault dans Nos racines paysannes, Louis et Lucienne, souvenirs d’agriculteurs, Éditions Ouest-France, 2021.

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