A Certain Lightness 2018_024
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Les photographes Bobby Buddy ouvrent, avec leurs œuvres, les portes de l’imaginaire. La série « A Certain Lightness », découverte lors du festival des Mesnographies, aux Mesnuls (78), suscite de l’émotion, vous transporte dans une dimension onirique. Bobby Buddy c’est cela, une quête de profondeur, dans une construction à deux d’une identité artistique. Ils ne m’ont pas donné leurs noms, seulement leurs prénoms que je tairais pour ne pas briser l’unité. Seul compte, en l’occurrence, leur travail, leur ‘alchimie de la création’ qui de deux êtres ne fait qu’un, comme les doubles consonnes ‘bb dd’ de leurs pseudos convergent vers un même point central.

Photo de Une : série "A Certain Lightness " n°024 © Bobby Buddy

Bobby Buddy lors du festival des Mesnographies 2022, aux Mesnuls (78). Photo © Pierre d’Ornano / Aeternus.fr
Bobby Buddy lors du festival des Mesnographies 2022, aux Mesnuls (78). Photo © Pierre d’Ornano / Aeternus.fr

Entre minimalisme et avant-gardisme

Les photographes partent d’un sujet banal, une nature morte, un paysage. Les couleurs, la trame laiteuse de ces photos argentiques créent un climat apaisant. Il faut s’y plonger, comme dans une peinture pour accéder à une autre dimension, un univers intérieur. Les teintes sont douces, les couleurs non saturées, le flou magnifie l’objet et donne du sens à l’image mentale des photos projetés dans notre imaginaire. On pense être dans de la photographie minimaliste, on est aussi dans l’avant-garde qui est, avant tout, d’oser la photographie par la recherche. Si Bobby Buddy fuient toute forme d’intellectualisme et ne s’inscrivent dans aucun mouvement, ils rompent avec la photographie dans sa fonction première qui consiste à représenter, reproduire le réel, en la définissant par son matériau, les lois chimiques et optiques qui la constitue medium.

En cela, ils se rapprochent probablement du peintre Pierre Soulages disparu le 26 octobre 2022, et de son ‘outrenoir’ captateur/manipulateur de lumière, dont le talent s’exprimait dans une quête de la profondeur, de l’intimité de la peinture … « Ce qui échappe aux mots, ce qui se trouve au plus obscur, au plus secret d’une peinture, c’est cela qui m’intéresse » disait-il.

A Certain Lightness 2018 n°022 © Bobby Buddy
"A Certain Lightness" 2018 n°022 © Bobby Buddy

Une libre interprétation

En outre, la volonté d’apparaître « non-identifiés » en tant qu’auteurs de leurs œuvres, force, d’après les deux photographes, à une perception autre, intrinsèque voire authentique de l’œuvre, dans sa profondeur dénudée des habits culturels, sociaux et suscite l’imagination. « L’idée dans ce pseudonyme c’est que le spectateur ne projette pas une identité ou un genre, que ça ne vienne pas interférer dans sa perception de la photo qu’il regarde. On interprète une œuvre différemment lorsqu’on connaît son créateur », souligne le duo qui laisse ainsi au spectateur le choix d’interpréter celui qui l’a produite. Est-ce un homme ? une femme ? une duo homme-femme ? ça fait partie de l’imaginaire.

Photos : "A Certain Lightness" 2018 n°005 | n°017 | n°009 © Bobby Buddy

Des parcours d'autodidactes

Bobby et Buddy se connaissent depuis le lycée, à Vendôme (Loir-et-Cher). Ils étaient dans la même classe. « On a découvert qu’on faisait chacun de son côté de la photo. On en a fait ensemble pendant l’année de terminale, un peu comme un collectif, déjà comme un duo. » Il sont alors scolarisés en filière générale scientifique … « on avait des cours de chimie, et la photographie - avec les principes chimiques de la photographie argentique, les ions argent, la lumière etc… - en faisait partie. Grâce à cela on avait accès, au sein de lycée, à un agrandisseur photo. On a aussi, ensuite, squatté le labo du père d’une copine qui rouillait dans un placard pour travailler l’argentique. » C’est le père de cette amie qui les formera au travail en laboratoire, un parcours d’autodidacte s’ensuivra, sans fréquenter aucune école d’Art ou de Photographie. Ils en tirent, d’ailleurs, une fierté et il en résulte, d’évidence, une authentique singularité dans leur démarche d’artiste loin de tout intellectualisme de circonstance.

"A Certain Lightness" 2018 n°003 © Bobby Buddy
"A Certain Lightness" 2018 n°003 © Bobby Buddy

Le Duo s’est ensuite dispersé, sans toutefois rompre le contact, chacun suivant séparément un parcours professionnel lié à l’image. L’un était dans la photographie de mode ... « en tout numérique, avec retour sur écran, très calibré, contrôlé. Pas nécessairement très intéressant d’un point de vue artistique » souligne-t-il. L’autre a évolué dans la publicité (Young & Rubicam, passage rapide chez BTC), puis en ‘prod’ publicitaire en direction artistique. Il a ensuite accompagné des réalisateurs sur des long-métrages et des séries « un univers bien plus intéressant en termes de création ».
L’un, dit-il, étais un très mauvais dessinateur mais avais envie de créer. « Grâce aux cours de chimie je me suis rendu compte qu’on pouvait faire ce qu’on voulait avec l’image, qu’elle n’était pas figée sur le négatif, que tout était très malléable. » Pas de talent de dessinateur ou de peintre donc mais une capacité à bien projeter dans l’image et à la modeler au tirage. L’autre aurait souhaité devenir photographe de guerre, « ce qui n’était pas fait pour moi » reconnait-il.

Le travail en binôme : un « dialogue d’images »

« On a commencé un travail de mode en binôme en 2015 et, à côté, on a développé cette partie artistique qui était la base de l’association. Ça, c’est le point de départ ! Et, au fur et à mesure qu’on évoluait dans la photo on a eu des erreurs, on a trouvé des choses. L'un de nous tombait sur quelque chose que l'autre réutilisait, et le premier rebondissait sur autre chose, puis trouvait une autre idée sur laquelle on repartait et ainsi de suite… Un ‘dialogue d’images’ s’est ainsi installé entre nous. » Coïncidence, leur premier appareil était, pour chacun, un Minolta X-700.

"A Certain Lightness" 2018 n°014 © Bobby Buddy
"A Certain Lightness" 2018 n°014 © Bobby Buddy

L’idée, pour leurs créations, est toujours de chercher quelque chose de simple, enfin « qui paraît simple », précisent-ils. « Ne pas avoir été en école de photographie a fait qu’on n’a pas su intellectualiser tout ça, et on ne veut surtout pas intellectualiser ».

Le duo « chassent les belles lumières, qui tombent au bon endroit, sur le bon sujet », ce qui ne constitue rien d'autre que le fondamental de l’art photographique. « On cherche la simplicité, une belle lumière c’est à la portée de tout le monde. »

"A Certain Lightness" 2018 n°001 © Bobby Buddy
"A Certain Lightness" 2018 n°001 © Bobby Buddy

Une démarche picturale

Bobby Buddy se définissent comme ayant toujours été des rêveurs, « à l’école jamais présents dans notre présent ». Interrogés sur les références à des photographes célèbres qui les auraient influencés, après une esquive « il y en a tellement et c’est toujours un bonheur de les redécouvrir, et tous ont quelque chose de très puissant », les noms de la mannequin, photographe et réalisatrice française Sarah Moon et la dimension « psychédélique » de ses œuvres, de Jean-Loup Sieff (1933-2000) et du photographe de mode et portraitiste américain Richard Avedon (1923-2004) sont spontanément cités par l’un, et des photographes de guerre par l’autre, notamment l’un des plus célèbres, l’américain James Nachtwey, qui l’a profondément marqué, ou bien encore le prolifique photographe japonais Nobuyoshi Araki et ses séries de fleurs.

"A Certain Lightness" 2018 n°010 © Bobby Buddy
"A Certain Lightness" 2018 n°010 © Bobby Buddy

Au-delà du strict territoire de la photographie

Ces références en termes de photographes « n’ont strictement rien à voir avec notre travail en argentique, souligne le Duo. Si ce travail se réfère à de la chimie et du papier, j’aime l’idée que ce soit plus pictural que photographique. Lorsqu’on s’est mis en duo, l’objectif c’était de produire une photo picturale sur laquelle on pouvait rester, qu’on pouvait contempler, que ce soit comme une toile. » … « Dans ce projet [A Certain Lightness], nous souhaitions prendre le temps de faire chaque image et qu’elle ne périme pas, qu’elle dure longtemps. Il y a des images qui sont rapportées de nos voyages respectifs et des images produites ensemble, qui peuvent être faites de jour ou de nuit. Un « editing » est ensuite fait et au tirage on pousse le processus en regardant jusqu’où on peut aller ». Un travail en labo important, aidé par le tireur Hervé Caté du laboratoire Imaginoir « qui nous oriente, soulignent-t-ils, qui trouve toujours une solution lorsque l’on teste de nouvelles idées. Les tirages de « A Certain Lightness » ont donc été réalisés manuellement, à partir des négatifs, sans aucun autre artifice.

Bobby Buddy chez l'un d'eux, à Paris en octobre. Photo © Pierre d'Ornano / Aeternus.fr
Bobby Buddy chez l'un d'eux, à Paris, en octobre 2022. Photo © Pierre d'Ornano / Aeternus.fr

Des auteurs de photographies

Il en résulte un style épuré, poétique. Après un moment d’observation la simplicité apparente des images procure une satisfaction visuelle. Ces photographes sont des auteurs de photographies. Des photos qui ne racontent pas une histoire, mais vous laisse la construire. On est par phases successives en connexion avec l’objet immédiat, qui relève de l’esthétique, du beau, une fleur ou un paysage émergeant d’un flouté, un bokeh subtil, puis on entre dans le sujet de l’œuvre, on se projette dans un intérieur, une dimension sensible, en l’occurrence apaisante. L’objet, qui pourrait être uniquement prétexte à une représentation de la beauté, laisse place à un état, une émotion.

Photos : "A Certain Lightness" 2018 n°025 | n°027 | n°026 © Bobby Buddy

« Dans l’erreur on trouve notre perfection »

Leur démarche va au-delà du strict territoire de la photographie. « Notre travail nait parfois d’imperfections, d’une erreur technique ou chimique qui fait sortir une couleur orange, d’une bande test que l’on a trouvée intéressante de développer, dont on pourrait tirer un triptyque, quelque chose de très pur » … « On cherche à jouer avec l’imperfection de la technique. Dans chaque œuvre, il-y-a quelque chose qui, pour un puriste, est assimilable à une erreur. Et dans cette erreur on y trouve notre perfection, car ce que l’on cherche, précisément, c’est à la rendre visible et parfaite », dixit Bobby Buddy.
Cette imperfection attire l’œil. On peut s’arrêter là, s’en contenter ou bien chercher. Elle devient alors une porte par laquelle l’observateur attentif va pénétrer et construire un univers. N’est-ce-pas, avant toute valeur esthétique, intellectuelle ou tout discours (au sens de raconter une histoire), ce que l’on cherche dans une photographie, comme d’ailleurs dans une peinture, cette profondeur qui nous permet de nous extraire de notre état ou, à partir de l’observation d’un état imparfait s’élever et l’abstraire pour en oublier, même, l’existence. Il y a d’évidence une démarche bienveillante dans le travail de Bobby Buddy, car sa dimension introspective est bivalente et entraîne, ou peut-être est-elle à l’origine, une manière de forcer à regarder différemment ce qui nous entoure « de ‘l’erreur’ faire une perfection ».

Un travail sur la chimie du papier

Le Duo travaille sur le papier, la chimie du papier et le façonnage de la photo en prise de vue et en tirage. Les papiers sont des feuilles vintage, de vieux stocks, choisis parce qu’ils ont une jolie teinte « les papiers modernes perdent en subtilité, les émulsions sont moins qualitatives qu’avant » soulignent-ils. Ils les trouvent un peu partout, notamment à l’étranger, en Pologne. « Chaque papier a, en fonction de sa date de péremption, une teinte ivoire plus ou moins prononcée, ou peut se révéler magnifique à cause d’erreurs de conservation. » Certains sont désormais introuvables, comme celui de la photo reproduisant une tulipe (ci-dessous), un papier Ilford couleur qui, d’après Hervé Capé (dixit le duo), « est le ‘Saint Graal’ du papier couleur par son extraordinaire subtilité, sa tenue de teinte, tout en ayant un joli contraste. »

A Certain Lightness 2018 n° 002 © Bobby Buddy
A Certain Lightness 2018 n° 002 © Bobby Buddy

Informations pratiques

Comment se procurer leurs œuvres …

En les contactant directement :
Courriel : bobbybuddyofficial@gmail.com
Tél.: +33622696420 / +33662415947

Les tarifs : Entre 1 000 et 2 800 €, avec encadrement, selon le format et le numéro du tirage.

Chaque photo, au format unique, est tirée au maximum en cinq exemplaires. Un exemplaire de sécurité est systématiquement conservé au laboratoire.

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