C’est une analyse prudente, voire "mi-figue mi-raisin", qu'a délivrée Pau Roca, le directeur général de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), en illustration des premières estimations chiffrées de l’évolution du marché mondial de la production de vin en 2020. La France se place au 2e rang des producteurs mondiaux, derrière l'Italie et devant l'Espagne.
Photo : Pau Roca, directeur général de l'OIV, lors de la web conférence de presse du 27 10 2020, à Paris © DR
Production mondiale 2020 de vin estimée à 258 Mhl de vin
« Après une production exceptionnellement élevée en 2018 [294 Mhl*], les premières estimations pour 2020 affichent, pour la deuxième année consécutive, un volume de production attendu inférieur à la moyenne », a annoncé le directeur général de l’OIV, en préambule de la visioconférence de presse, donnée mardi 27 octobre du siège social parisien de l’organisation.
Sur la base des informations collectées dans 30 pays, qui représentent 84% de la production mondiale, la production mondiale (hors jus et moûts) est estimée entre 253,9 et 262,2 Mhl, soit une estimation moyenne de 258 Mhl, en progression symbolique de 1%.
*Millions d’hectolitres
Baisse volontaire des rendements due au covid-19
Tant l’impact des conditions climatiques que les mesures volontaires de régulation de la production - décidées pour anticiper la situation sur les marchés en raison de la crise sanitaire du COVID-19 – ont joué pour maintenir le volume mondiale de récolte en ligne avec l’année précédente, a commenté en substance Pau Roca.
Pour autant, bien que pour la deuxième année le volume soit en dessous de la moyenne, le directeur général de l’OIV s’est voulu rassurant : « Cela ne doit pas nécessairement être considéré comme une mauvaise nouvelle pour le secteur du vin, a-t-il précisé, étant donné le contexte actuel où les tensions géopolitiques, le changement climatique et la pandémie de COVID-19 génèrent un degré élevé de volatilité et d’incertitude sur le marché mondial du vin. »
UE : hausse de 5%
Dans l’Union Européenne, les conditions climatiques ont apporté des facteurs favorables à une importante récolte 2020. Cependant, elle a été limitée par différentes mesures, prises tant au niveau du gouvernement que des associations de producteurs, visant à atténuer les effets négatifs (directs et indirects) de la COVID-19 sur le marché mondial du vin. La production 2019 est estimés à 159 Mhl, soit 7 Mhl de plus qu’en 2019 (+5%).
La France 2e producteur mondial en 2020
La situation, par pays, est plus hétérogène que l’an passé. Ainsi, au 1er rang du classement, l’Italie est en recul de 1%, à 47,2M h, la France (deuxième), affiche un volume en hausse de 4%, 43,9 Mhl, alors que, avec une production estimée à 37,5 M hl l’Espagne (3e producteur) enregistrerait cette année une hausse de plus de 11%. Pau Roca a fait remarquer que ces trois pays, qui représentent, ensemble, 49% de la production mondiale de vin et 81% de le production européenne, présentent des niveaux estimés de production inférieurs ou à peine au-dessous de leurs moyennes quinquennales. Et de préciser que cette situation « résulte d’une combinaison de conditions météorologiques globalement favorables au printemps et à l’été et de l’application de mesures de régulation. L’Organisation commune du marché (OCM) du vin de l’UE accorde des subventions pour réguler les volumes, comme les aides à la récolte en vert. Et, dans certaines régions, italiennes, françaises et espagnoles, les vignerons ont décidé de fixer les volumes vinifiés à un niveau inférieur à ceux du 2019 en raison de la baisse de la demande globale de vin sur le marché. »
D’autres pays producteurs de l’UE ont enregistré une croissance positive de leur production. C’est le cas de l’Allemagne (8,9 Mhl, +8 %/2019), de la Hongrie (2,9 Mhl, +22 %/2019) et de l’Autriche (2,7 Mhl, +10 %/2019) qui affichent des niveaux de production comparables, voire supérieurs à leurs moyennes quinquennales. Le Portugal reste au même niveau qu’en 2019, avec une estimation de 6,5 Mhl produits en 2020. En revanche, la Roumanie
(3,6 Mhl) et la Grèce (2 Mhl) sont en recul par rapport à 2019 de respectivement 7 % et 2 %.
USA : des incertitudes liées aux incendies
Aux États-Unis, si les premières indications de récolte donnent des volumes en ligne avec ceux de 2019, à 24,7 Mhl (+1%), les incertitudes liées aux incendies pourraient amener à revoir ces prévisions dans les mois qui viennent, notamment en fonction de la situation dans les vallées de Napa et Sonoma où les feux et l’effet des fumées sur les vignobles pourraient empêcher la vinification de raisins.
En outre, selon l’OIV, « la question de l’offre excédentaire de vin, qui a caractérisé ces dernières années, pourrait également jouer un rôle dans les décisions de production de vin. »
Hémisphère Sud : forte baisse de la production
« Dans cette zone, où les récoltes ont pris fin au 1er trimestre 2020, les données préliminaires tendent à être plus précises et fiables », a rappelé Pau Roca qui a annoncé une forte baisse de la production dans les principaux pays producteurs, à quelques exceptions près. « Si la pandémie de COVID-19 s’est propagée pendant la saison des récoltes, elle ne semble pas avoir eu beaucoup d’incidence sur les volumes de production. Cependant, en raison de conditions climatiques défavorables, la production estimée pour 2020 s’établit à 49 Mhl, soit -8 % par rapport à 2019. »
[Avec 49 Mhl en 2020, l’Hemisphère Sud enregistre les plus faibles volumes produits au cours des 15 dernières années, et représente aujourd’hui 21% de la production mondiale de vin.]
En Amérique du Sud, l’Argentine, affectée par El Niño, et le Chili, qui a connu une sécheresse, accuseraient des niveaux de production 2020 en retrait, d’une année sur l’autre, de respectivement 17% et 13%.
-11% en Australie
En Océanie, l'Australie enregistre pour 2020 une chute importante de son volume de production de vin, à 10,6 Mhl (-11% par rapport à 2019 et -16% par rapport à la moyenne quinquennale). Un recul qui peut en partie s’expliquer par une combinaison de facteurs : la baisse des rendements due à la sécheresse, les feux de brousse en pleine saison des vendanges et l’odeur de fumée qui a affecté des raisons, empêchant leur mise en production. En revanche, pour la quatrième année de son histoire, la Nouvelle-Zélande a produit plus de 3 Mhl, 3,3 Mhl précisément en 2020 (+ 11% / 2019 et + 15% par rapport à la moyenne de ses cinq dernières années).
Chine : nouvelle contraction probable
Enfin, pour ce qui est de la Chine (2e vignoble mondial), dont les données sur la récolte ne sont pas encore disponibles, la production devrait continuer à se contracter pour des raisons structurelles (la production recule depuis 2016). Rappelons que, pour 2019, la production estimée par l’OIV de vin ressortait en Chine à 8,3 Mhl, en diminution de 10 % par rapport 2018, année qui avait enregistré un niveau de production déjà relativement faible.
Pau Roca a rappelé que ces statistiques internationales mettaient deux à trois ans avant de pouvoir être considérées comme définitives.