Chenonceau, ce château imaginé, planté et habité par les femmes
Combien de fois l’a-t-on imaginé ? Mais lorsque Chenonceau apparaît, c’est à chaque fois le même enchantement. Partons à la découverte de ce château, peut-être le plus beau du monde, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, avec ses deux magnifiques jardins conçus par Diane de Poitiers et Catherine de Médicis. Le site compte aussi un vignoble qui produit des vins blancs secs et rouges de l’appellation Touraine Chenonceaux.
Photo : Château de Chenonceau, rive gauche. Façade ouest “le Cher passe dessous et murmure au bas de ses arches dont les arêtes pointues brisent le courant. C’est paisible et doux, élégant et robuste. Son calme n’a rien d’ennuyeux et sa mélancolie n’a pas d’amertume” écrira Gustave Flaubert. On est en 1847, il a alors 26 ans. © FC
Ah ! Mon beau château !
Nul doute, ce château qu’aucun sang n’est venu entacher, est un château féminin. Il a été imaginé, conçu, planté et habité par des femmes : les Dames de Chenonceau.
Toutes auraient pu s’écrier comme Marguerite Yourcenar : Ah ! Mon beau château *. Cinq siècles sont là pour retracer leur empreinte alors que se célébrait, en 2019, le 500e anniversaire de la naissance de Catherine de Médicis appelée la Reine Noire (à cette occasion, Chenonceau a reconstitué son apothicairerie et déclina son jardin en noir et blanc). Leurs noms sont presque tous liés à l’histoire de France. Elles furent épouses, reines, favorites, grandes bourgeoises, mécènes. Elles se prénommaient Catherine, Diane, Louise, Gabrielle, Marie, Apolline, Marguerite, Simone.
Laure Menier Brasilier, dernière Dame de Chenonceau
Aujourd’hui, la Dame de Chenonceau n’est autre que Laure Menier Brasilier qui depuis 2002 gère, seule, la conservation et la gestion du domaine. Elle est à la tête du château privé le plus visité de France (900 000 visiteurs par an). Elle le mène comme une véritable entreprise (une cinquantaine de salariés) et sans la moindre subvention. Pour elle, Chenonceau se positionne haut de gamme. Un mot d’ordre, ici à Chenonceau l’accueil du visiteur doit être celui que l’on réserve à un hôte. Ainsi, en son honneur, chaque pièce du château est-elle fleurie tout au long de l’année !
*Marguerite Yourcenar évoquant Chenonceau dans Sous bénéfice d’un inventaire (1962).
Un château dans les vignes
Aborder ce chef d’œuvre de la Renaissance en arrivant par les vignes c’est déjà mettre un pied dans la longue histoire de Chenonceau.
Vignes et châteaux ont toujours fait bon ménage dans cette vallée de la Loire (voir les châteaux de Chambord, Amboise, Valençay, Chinon, Saumur…). Jamais tant de vins ne se sont côtoyés avec autant de bonheur. Chenonceau en est le parfait exemple. Dès l’arrêt du train, à deux pas du château (des TER toutes les 3 heures, comptez 28 minutes de Tours-Saint-Pierre-des Corps à Chenonceau sur la ligne de Vierzon), vous êtes dans les vignes. Un œil avisé vous dirait qu’il s’agt du cabernet franc, ce cépage typiquement ligérien, appelé ici breton.
De l’autre côté de la rue, 3 parcelles de cabernet franc, de cot, plus connu à l’international sous le nom de malbec et de chenin blanc. Il manque un seul cépage, l’étonnant sauvignon blanc planté plus haut sur les coteaux nord de cette vallée du Cher (au-dessus du château). Ainsi, dès votre arrivée, vous voici plongé dans la trilogie des cépages privilégiés : sauvignon blanc, cabernet franc et cot*.
Ils servent à élaborer le vin blanc sec et les vins rouges de l’appellation Touraine Chenonceaux (AOP depuis 2011).
*L’AOP Touraine Chenonceaux met de nouveau à l’honneur le cot, son cépage historique avant l’arrivée du phylloxéra. D'ailleurs, pour les vins rouges, dans le cahier des charges de l'appellation, il doit représenter 50 % minimum de l’assemblage face au cabernet franc (35 % minimum).
Caves du Père Auguste, l’exploitant du vignoble historique du château
Pas de doute, ces trois cépages-là ont trouvé ici leur terroir de prédilection avec des sols dits de perruches, argilo-siliceux et caillouteux, riche en silex typique de la région. Dans la production de vins sélectionnée par le château (en AOC Touraine Chenonceaux) cot et cabernet franc sont en assemblage. Mais ce sauvignon blanc pris en apéritif, à l’ombre de l’Orangerie du château est tout simplement sublime. Le déguster avec son vigneron, Adrien Godeau (Caves du Père Auguste*) et Caroline Darrasse directrice de la communication de Chenonceau, que rêver de mieux ! C’est un vin vif à l’attaque mais se faisant ensuite plus rond, plus gras et qui offre au nez, des arômes de fleurs blanches, de fruits mûrs, d’agrumes et de fruits exotiques (ananas et mangue), la signature d’un grand sauvignon !
* Le domaine des Caves du Père Auguste à Civray-de-Touraine (14, route des caves, en direction d’Amboise) est le domaine de la famille Godeau. Ses 45 ha s’étendent sur les coteaux, rive droite du Cher, de Civray-de-Touraine à Chenonceaux. Caves du Père Auguste exploitent depuis 2008, la gestion complète des dix hectares du vignoble historique du château de Chenonceau.
Vigneronnes dans l’âme, ces Dames de Chenonceau !
Bien sûr il y a la cave des Dôme, cave voûtée du XVIe qui rappelle que le château produisait son propre vin il n’y a pas si longtemps. Chenonceau a toujours entretenu avec la vigne un rapport particulier. Ses détentrices successives, de Diane de Poitiers à Catherine de Médicis, de Madame Dupin à la famille Menier, propriétaire depuis 1913, ont porté le plus vif intérêt aux vignes de leur domaine en élevant tour à tour, leurs propres cuvées. Aujourd’hui, cette tradition ne se perd pas. Ainsi, l’appellation Touraine Chenonceaux (110 ha), s’enorgueillit de regrouper sur la cinquantaine de producteurs, près de la moitié de femmes. Chaque année depuis 2014, sous l’égide du château, un jury 100 % féminin composé d’une quinzaine de vigneronnes, œnologues, journalistes…, choisit son cru coup de cœur. Six bouteilles de vin (trois blancs et trois rouges) de l’AOP Touraine Chenonceaux se voient murées dans une cavité du château. Au bout de cinq ans, les bouteilles sont mises aux enchères au profit d’une action caritative.